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Le 25 juin dernier, s’est tenue la conférence intitulée « Formateur·rice en 2024, un vrai métier ? ». Cet événement faisait suite à la conférence de consensus organisée en 2018 et au livre blanc qui avait été élaboré à la suite de cette conférence. Huit ans plus tard, nous avons dressé un état des lieux et engagé un débat sur les défis du métier, en résonance avec les recommandations formulées dans ce livre blanc.

Voici un récapitulatif des discussions qui ont émergé au cours de cet événement :

Formateur·rice, un métier voué à disparaître ?

Nicolas Roland, Designer d’expérience d’apprentissage chez Caféine.Studio, a ouvert la conférence par une réflexion audacieuse sur l’avenir du métier de formateur·rice. Observant les tendances émergentes de l’apprentissage moderne, il a souligné une évolution significative des pratiques pédagogiques traditionnelles. Le paradigme de la formation classique, avec ses sessions structurées et ses méthodes unidimensionnelles, semble céder la place à une approche plus flexible et personnalisée.

Selon une étude récente de 2016, les apprenant·es consacrent en moyenne 3h30 par semaine à un apprentissage autonome, comparé à seulement 37 minutes de formation organisée par l’entreprise. Cette autonomie accrue est alimentée par l’utilisation de ressources diversifiées telles que YouTube et des plateformes interactives comme ChatGPT, soulignant ainsi une transformation radicale dans les modes d’accès à la connaissance.

Vive l’Expérience d’apprentissage !

Pour répondre à ces changements, Nicolas Roland propose de dépasser la simple notion de formation pour embrasser celle d’expérience d’apprentissage. Il cite l’exemple de la plateforme Slalom, conçue spécifiquement pour les travailleurs de l’industrie afin de développer des compétences comportementales essentielles.

En substituant les longues sessions de formation par de courtes vidéos interactives centrées sur des défis concrets, Slalom offre un environnement d’apprentissage personnalisé et adaptable, avec un feedback immédiat et des opportunités d’approfondissement. Cette approche innovante vise non seulement à maintenir la compétitivité des organisations, mais aussi à attirer et à retenir les talents à travers une valorisation continue des compétences.

Les défis du/de la formateur·rice moderne

Face à cette évolution, le rôle du formateur·rice doit nécessairement évoluer. Désormais, il ne se contente plus de dispenser des connaissances, mais doit jouer un rôle actif dans la conception, l’animation et l’évaluation des expériences d’apprentissage. Ce professionnel multifacette, comparable à un « homme-orchestre », comme illustré par Rémy Bricka, jongle avec diverses responsabilités allant de la scénarisation pédagogique à la gestion de communautés d’apprentissage, en passant par l’accompagnement individuel et collectif.

Vers une spécialisation en T

Nicolas Roland souligne la nécessité pour les formateur·rices de se spécialiser tout en développant une expertise métier approfondie. Cette spécialisation en forme de T croise les compétences didactiques et pédagogiques avec une connaissance approfondie des domaines spécifiques, permettant ainsi de répondre aux besoins variés des apprenants dans un monde en constante évolution.

Développer une expertise en tant que formateur·rice – Source de motivation ?

Réflexions approfondies sur l’identité professionnelle

Dans un second temps, Michel Sylin, psychologue des organisations à l’ULB, apporte une perspective complémentaire à celle de Nicolas Roland. Déjà intervenu lors de la conférence de 2018 qui a donné naissance au livre blanc sur la profession de formateur·rice, il distingue clairement entre « faire de la formation » et « être formateur ».

Transformer le savoir savant en savoir enseignable

Pour Michel Sylin, le rôle du formateur ne se limite pas à transmettre des connaissances académiques. Il s’agit plutôt de transformer ces connaissances savantes en savoirs enseignables, puis de les adapter pour qu’ils deviennent réellement utilisables par les apprenant·es. Cette démarche implique l’utilisation d’outils variés et l’application d’une méthode réfléchie, souvent construite dans le cadre de projets pédagogiques comme celui de la plateforme Slalom évoquée par Nicolas Roland.

L’apprentissage par l’expérience et la construction de l’identité

Michel Sylin s’appuie sur les théories de David Kolb pour expliquer que l’apprentissage authentique naît souvent d’une « tension » générée par l’expérience elle-même, transformant ainsi l’identité professionnelle et personnelle de l’apprenant·e. Cette approche met en lumière l’importance de l’expérience vécue dans la formation des compétences et dans la construction de l’identité.

Profession vs Métier : une distinction cruciale

À travers l’ergologie, l’étude des activités humaines au travail, Michel Sylin distingue la « profession » du « métier ». Pour lui, la profession représente le travail quotidien socialement reconnu et organisé, tandis que le métier englobe les activités spécifiques qui définissent un poste particulier. Cette distinction complexe aide à comprendre la diversité des rôles et des compétences requises pour être un formateur·rice efficace.

Compétence vs Qualification : deux dimensions complémentaires

Michel Sylin explore également la différence entre compétence et qualification. Alors que la compétence implique le savoir-faire pratique et relationnel entre le formateur et ses apprenants, la qualification est définie par des normes institutionnelles, assurant la reconnaissance formelle des compétences acquises. Cette dualité est essentielle dans un environnement professionnel en constante évolution où les référentiels de compétences jouent un rôle central pour guider et évaluer les pratiques pédagogiques.

Table ronde sur les défis du formateur·rice

La table ronde qui a suivi les présentations individuelles a offert un panorama diversifié des défis actuels et futurs auxquels les formateurs et formatrices font face. Animée par des experts tels que Marina Mirkes, Nathalie Detremerie, David Corona, Michel Sylin, et Nicolas Roland, elle a débuté par une question centrale : « Tout le monde peut-il devenir formateur·rice ? ». Les réponses ont souligné la nécessité d’une vocation et d’un soutien institutionnel approprié, tout en mettant en lumière la diversité des approches pédagogiques et des contextes de formation, allant des métiers de l’insertion socio-professionnelle aux formations en alternance et continue.

Les échanges ont également abordé le rôle essentiel de l’entreprise dans la formation de ses collaborateur·rices, ainsi que l’évolution vers une approche d’apprentissage intégrée au travail. En conclusion, la table ronde a illustré la complexité et la vitalité du métier de formateur·rice dans un paysage éducatif et professionnel en constante évolution.

Conclusion

La journée de réflexion et d’échanges sur le métier de formateur·rice a mis en lumière des perspectives riches et variées, révélant les défis mais aussi les opportunités qui façonnent cette profession en constante évolution.

Les intervenant·es ont souligné l’importance cruciale de la formation continue et de l’adaptation aux nouvelles méthodes pédagogiques, notamment l’intégration du numérique tout en préservant le sens profond de l’apprentissage.

La question fondamentale de savoir si tout individu peut devenir formateur·rice a suscité des réponses nuancées, mettant en avant la nécessité d’une vocation et d’un soutien institutionnel adéquat pour développer les compétences nécessaires.

Parallèlement, la responsabilité des entreprises dans la formation de leurs employés a été soulignée, tout comme l’importance de reconnaître et de certifier les compétences acquises dans des contextes variés. La montée en compétences individuelles et collectives, ainsi que l’engagement émotionnel des formateurs ont été mis en avant comme des éléments clés pour maintenir la flamme de l’apprentissage vivante.

Enfin, la réflexion sur l’avenir du formateur·rice a mis en lumière la nécessité d’abandonner les approches obsolètes au profit de méthodes plus spécialisées et pertinentes. L’évolution constante des pratiques de formation et des cadres de référence reflète un monde en perpétuelle transformation, où la capacité d’adaptation et l’innovation deviennent des compétences essentielles.

En somme, former et apprendre sont des processus dynamiques et essentiels, nécessitant un engagement profond envers le savoir, l’évolution personnelle et l’émancipation individuelle dans un monde globalisé et en mutation constante.

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