Retour sur la conférence "L’organisation apprenante: quand performance et formation continue font la paire"

Gaëlle Boulet le rappelait dès son introduction, c’est à un sujet passionnant que nous nous attaquions pour cette troisième conférence de l’année, Touchant à la fois à l’individuel et au collectif dans son approche du développement des compétences, le thème de l’organisation apprenante est au cœur des préoccupations de FormaForm… et de beaucoup d’autres acteurs, à en juger par la diversité du public réuni aux Moulins de Beez, ce 18 novembre dernier.

Et comment mieux se faire une idée de l’importance de ce sujet qu’en découvrant ce que d’autres en ont fait au sein de villes, entreprises ou organisations non-marchandes ?

Charleroi veut transformer ses faiblesses en défis

C’est tout d’abord Michel Coulon qu’Olivier Gilot appelait à témoigner. Directeur du site de l’ULB à Charleroi, il a pris en main, en collaboration avec Virginie de Moriamé de l’Université Ouverte, le projet Charleroi Ville Apprenante.

Le réseau des villes apprenantes, ce sont actuellement 294 cités de 76 pays réunissant un total de 250 millions d’habitants… dont une seule représentante belge, Charleroi, qui a rejoint le club en 2020.

Ces villes sont réunies par des défis communs en termes de cohésion sociale, d’accès au marché du travail, de fracture numérique ou de fuite des cerveaux. Au sein du réseau, elles peuvent s’inspirer de réalisations concrètes qui fonctionnent mais aussi apprendre des obstacles et difficultés rencontrés ailleurs. Toutes s’engagent dans un processus qui vise une redynamisation de l’économie locale, une prise en compte de tous les types d’expertise, un apprentissage inclusif, accessible tout au long de la vie grâce une mobilisation de tous les moyens possibles (nouvelles technologies, etc.).

La démarche se veut participative et durable et vise à la fois le développement de l’économie et l’autonomie individuelle, ce qui passe également par une recherche d’amélioration du bien-être. Elle s’appuie sur des appels à participation et recourt aux méthodes de l’intelligence collective.

À Charleroi, cette approche s’inscrit dans une dynamique lancée il y a plusieurs années avec Catch, par exemple et qui se poursuit avec la mise en place d’un campus regroupant des antennes d’Universités, de hautes écoles, etc. Elle a pour but de partir de l’existant et de créer des ponts et des réseaux et s’articule autour de trois axes : Éducation et numérique ; Culture, citoyenneté et art ; Nature, territoire et développement durable. Ces orientations ont déjà débouché sur des ateliers mais la cité hennuyère n’est est encore qu’au début de son aventure.

Nadège Alexandre co-écrit la partition de l’organisation apprenante

Si notre deuxième invitée ne doit pas faire face à la tâche titanesque de faire d’une ville de 200 000 habitants une entité apprenante, elle n’en relève pas moins un solide défi : impliquer les 6 500 employés des Cliniques Universitaires Saint-Luc dans cette démarche d’amélioration permanente. Nadège Alexandre est formatrice-facilitatrice au sein du service Ressources Humaines de l’institution hospitalière bruxelloise. Titulaire d’un certificat inter-universitaire en ingénierie de la formation, elle est aussi musicienne et voit dans ces deux domaines des similitudes intéressantes.

Nadège ne garde pas que de bons souvenirs de son passage par à l’académie de musique. Lassée d’un enseignement « classique » axé sur la rigueur et la technicité, elle a ensuite évolué vers la musique folk et la composition instantanée. Une pratique plus libre qu’elle n’hésite pas à rapprocher de celle de l’organisation apprenante… Fondées sur l’action, les deux disciplines exigent un engagement total des participants et une confiance mutuelle.

Dans cette optique, c’est l’action elle-même qui devient source d’apprentissage. Pour notre intervenante, l’organisation qui s’engage dans cette démarche est dans un processus continu : elle est tout le temps en train d’apprendre et de favoriser l’apprentissage en son sein. C’est une organisation ouverte, en évolution vers une amélioration de la performance (quelle que soit la manière d’envisager celle-ci). Elle stimule, prend en compte les demandes et accepte les essais et les erreurs.

Pour Nadège, cinq facteurs vont jouer un rôle : l’acquisition et la transformation des connaissances, un climat favorable dans l’organisation, un leadership axé sur l’apprentissage, un soutien en termes de moyens et de temps et une gestion stratégique des connaissances et apprentissages.

Dans le cas de Saint-Luc, des expériences passées peu concluantes (une accréditation qui a « traumatisé » une partie du personnel, par exemple), ont amené l’organisation à revoir son approche. Le traditionnel catalogue de formations s’est complété d’un nouveau type d’interventions, plus intégrées dans le fonctionnement quotidien des services.

Des stand-up meetings – où on est debout pour que cela reste court – ont ainsi été institués dans un souci d’amélioration continue. On y traite tout ce qui irrite et on y apporte des solutions quand c’est possible. Mais aucune méthode ne fonctionne partout… Outre les difficultés rencontrées en période Covid – qui plus est dans un hôpital –, la méthode ne marche que dans des groupes restreints, avec un manager qui se sent à l’aise et à condition d’être acceptée par une équipe qui travaille parfois debout toute la journée…

Évi, un logiciel spécialisé est venu à la rescousse. En gros, il s’agit de lister puis d’analyser ce qui n’aurait pas dû arriver, et de chercher des remèdes plutôt qu’un coupable. L’initiative est un succès là où les incidents sont déclarés, c’est-à-dire pas partout…

Une série d’autres projets ont également été lancés. Vis ma vie permet d’accompagner quelqu’un d’un autre métier pendant une journée. Cela débouche sur des propositions d’améliorations des relations entre services qui apprennent à se connaître.

Des matrices de compétences ont été établies. Il devient ainsi possible et légitime de demander de l’aide à un collègue sur bases de compétences déclarées.

Une part du personnel a reçu le titre de SuperUsers TPI2 dans le cadre de l’informatisation de certains process, avec, à la clé, davantage d’échanges et un renversement des rôles ou les plus jeunes aident leurs collègues plus expérimentés mais moins « numériques ».

Des communautés de pratiques ont été mises en place dans le secteur infirmier mais leur organisation reste difficile par manque de temps et de disponibilités.

Une démarche de co-développement des managers a aussi été initiée.

La liste est longue et illustre bien le travail entrepris, à mille lieues d’une simple transmission de connaissance au travers de modules de cours ou de webinaires, et il est réjouissant de voir qu’un paquebot comme les Cliniques Saint-Luc peut se lancer dans une telle aventure.

Technord mis sur son « Academy » 

Nous changeons d’échelle avec notre troisième interlocuteur. Après les expériences de Charleroi et de Saint-Luc, c’est celle d’une entreprise commerciale de taille plus modeste que Frédéric Bossu nous proposait de découvrir. Avec ses 380 salariés répartis sur quatre sites en Belgique et en France, TechNord est une société moyenne active dans le secteur IT. Sa raison d’être est l’intégration de solutions (informatique, automation, datas, IOT, etc.) au service de projets industriels.

Si l’entreprise tournaisienne a toujours soutenu le développement des compétences de ses collaborateurs – secteur oblige –, ce sont une fois encore les défis à relever qui ont décidé son management à aller plus loin. Les formations présidentielles semblaient avoir atteint leurs limites et la demande baissait depuis un pic atteint en 2017-2018. Face à la pénurie de main d’œuvre qualifiée, mettre l’accent sur la formation pouvait aussi constituer un atout en terme d’image pour attirer les jeunes talents.

La crise du Covid est venue s’ajouter à cet état de fait et a poussé Technord Academy à repenser son approche. Formation à distance et blended learning ont pris une place beaucoup plus grande, avec le support d’un fournisseur externe lui aussi tournaisien, MySkillCamp. Des modules Socles de base ont été créé afin de donner à chaque employé une vision d’ensemble des différents métiers pratiqués dans l’entreprise. D’autres plus spécifiques sont venus s’y ajouter.

Face à ces évolutions, des résistances aux changement sont apparues (refus de changer d’outil ou d’habitudes) mais, de l’avis de Frédéric Boussu, elles ont pu être surmontées grâce à beaucoup de patience et de diplomatie…

La plateforme a aussi connu des problèmes de jeunesse mais, finalement, l’offre est devenue plus large, plus variée et plus accessible. Certains suivent davantage de formations qu’auparavant et la communication est plus réciproque : des propositions de nouveaux cours viennent directement du public.

Comme nos autres intervenants, Frédéric insistait sur le caractère continu de la démarche. Il reste à offrir davantage de contenu, à améliorer l’animation de la communauté des formateurs et des apprenants mais aussi à vendre le produit aux clients de Technord qui pourraient être intéressés par certains modules.

S’il fallait une conclusion à cette matinée, c’est sans doute que tous les terrains peuvent être propices à la naissance d’organisation apprenante et Gaëlle choisissait de synthétiser les interventions de nos trois invité par une métaphore agraire : quel que soit le terreau, il y a place pour un apprentissage organisationnel qui va au-delà des individus et recherche l’amélioration de la qualité. Encore faut-il ensemencer celui-ci. Une approche participative, de l’engagement et mise en relation des participants sont essentiels pour enclencher une dynamique positive. Enfin, une gouvernance adaptée, un climat de confiance et une prise en compte du défi générationnel rendront possible la croissance des initiatives et feront qu’elles porteront leur fruits…

 

Prochaines étapes

Une journée thématique dédiée aux acteurs de la formation le 17 novembre (https://www.inspiralia.be/), avant d’autres formations que nous vous proposons de retrouver sur notre site web (https://www.formaform.be/nos-services/formations/).

Ressources

Découvrez également la galerie photos de la matinée en cliquant ici.

 

 

 

Rédigé le jeudi 3 Novembre 2022


 
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