Retour sur la conférence « Intégrer la responsabilité socio-environnementale dans la formation professionnelle » ?

Quel rôle FormaForm peut-il jouer par rapport au développement durable ? Pourquoi consacrer une conférence à ce sujet déjà tellement traité par ailleurs ? Ces question sont d’autant plus légitimes que le lien entre notre organisme et ce thème n’est pas évident. Le but était toutefois simple : inspirer au travers d’exemples concrets issus d’univers différents, afin de transformer nos pratiques et d’aller ensemble dans la même direction. Et ainsi que le souligne une recommandation du Conseil européen du 14 janvier dernier : « Comme tous les secteurs, la formation doit également agir pour faire face à l’urgence climatique et à la crise planétaire, dans le cadre de ses propres activités et, surtout, dans la manière dont elle prépare les apprenants à aborder l’avenir. ».

Petits pas ou grand bon en avant ? On peut ne pas être d’accord sur le rythme à adopter mais le cap reste identique : réduire drastiquement notre impact sur le monde qui nous entoure. Et si la démarche peut sembler naturelle pour une organisation comme l’UCL, constater qu’une entreprise de la construction s’y investit tout autant est à la fois réjouissant et inspirant.

Après un état des lieux peu rassurant dressé par Carine Thibaut de Greenpeace Belgique, des intervenants très différents se sont donc relayés sur la scène de l’auditoire des Isnes. Et c’est une organisation moins attendue dans ce domaine qui succédait à l’association environnementaliste : L’Union Wallonne des Entreprises, représentée par Thomas Weigert. Thomas est chargé de la cellule SDGs qui accompagne les entreprises dans leur démarches « vertes » avec l’aide de subsides de la Région wallonne.

UWE/Nonet : des petits pas encourageants

SDGs ? Derrière cet acronyme obscur se cachent les Sustainable Development Goals (Objectifs de Développement Durable) édictés par l’ONU pour l’horizon 2030. Répartis en 5 piliers – People, Prosperity, Planet, Peace et Partnership – et en 17 objectifs, ces lignes directrices ont été reprises par l’UWE pour guider les sociétés wallonnes vers des pratiques plus soucieuses de l’environnement.

Associant santé, bien-être, éducation, respect de la biosphère, consommation énergétique et bien d’autres aspects, le programme de |’ONU est particulièrement ambitieux… et ne figure pas forcément parmi les préoccupations prioritaires des entreprises. Pour les inciter néanmoins à se lancer dans l’aventure, l’UWE tente de répandre la bonne parole par le biais d’un site web qui détaille les SDGs, propose un catalogue d’actions concrètes, une série de témoignages et bien sûr un accompagnement des nouveaux candidats à l’intégration de pratiques durables.

Le défi reste immense mais le relever semblait évident pour nos intervenants suivants : active dans un secteur pas forcément considéré comme très vertueux – la construction et en particulier les travaux de voirie – la société Nonet a pourtant inscrit le développement durable au cœur de ses pratiques. Aurélien et Claire, deux représentants de la troisième génération à la tête de cette entreprise familiale de près de 250 personnes, sont catégoriques : les préoccupations environnementales et sociétales font partie de leur ADN et ils n’ont eu qu’à suivre la voie tracée par leurs prédécesseurs !

C’est autour d’un ensemble de valeurs – Respect, enthousiasme, Partenariat et Résultats – et d’une vision partagée que la société a structuré son engagement écologique. Réunis sous l’abréviation BIERES pour Bien -être, Innovation, Environnement, Réussite, Excellence et Structure, les axes de leur vision ont débouchés sur une série d’actions concrètes. De l’utilisation de gobelets réutilisables ou de la mise en place de ruches jusqu’à l’installation de panneaux solaires et d’une éolienne en passant par la mise à disposition de vélos d’entreprises et de bornes de recharge ou par le choix de véhicules hybrides rechargeables, les initiatives sont nombreuses et visent à la fois le respect de la planète et le bien-être du personnel. L’entreprise a par ailleurs décroché le label ISO 14001 certifiant son engagement dans la démarche verte.

Le tableau dressé est encourageant mais on pourra malgré tout regretter qu’Aurélien et Claire n’aient pas expliqué davantage certaines de leurs actions les plus originales, en particulier celle dédiée au recyclage des matériaux de construction. La politique des petits pas a son intérêt mais aussi ses limites…

Corporate ReGeneration : les jeunes mettent le pied dans la porte

La matinée se poursuivait avec un autre projet orienté business. Face à l’immobilisme ou à la lenteur des acteurs économiques, l’ASBL Corporate ReGeneration se propose d’injecter un peu de sang neuf dans les entreprises ! Objectif avoué : tirer parti de la détermination et de l’engagement des jeunes générations pour pousser les entreprises à évoluer dans un sens plus écologique et, ensemble, trouver des solutions pertinentes aux défis de demain.

Initiateur du projet, Olivier Bouche laissait rapidement la parole à deux jeunes évangélisateurs, Louis Martin et Paola Adurno. Plutôt que les petits pas, l’association vise à pousser les entreprises à faire le grand saut ! Y parvenir passera par la sensibilisation des dirigeants au travers de vidéos, d’escape games, etc. avant un travail en commun comprenant une phase d’analyse et un plan d’actions.

La méthode de l’ASBL ? Envoyer au front des jeunes formés aux enjeux environnementaux et initiés aux réalités économiques et mettre en place un comité de régénération dans l’entreprise. Son rôle ? Apporter un regard durable sur les choix stratégiques et opérationnels. Ce travail passe par une analyse de l’impact environnemental et social de l’entreprise, la réalisation d’un audit régénératif, la définition d’une feuille de route et la rédaction d’un rapport.

Sur le mode du slam, Paola remuait ensuite le public des Isnes en évoquant son expérience personnelle et le sens qu’elle trouve dans cette action, après un parcours de vie marqué par les réorientations et les hésitations. Elle met à présent sa qualification de psychologue et sa propre expérience au service de ceux qui s’inventent une nouvelle identité au-delà de nos rôles de travailleurs/consommateurs et cherchent un chemin combinant valeurs personnelles et enjeux professionnels.

UCL : la transition au cœur de l’Université

La question du changement climatique, Marthe Nyssens y est sensible depuis longtemps. Et son engagement au sein de l’UCL lui a valu d’hériter du titre de prorectrice Transition et société. Cadeau empoisonné ? La tâche est en tout cas ardue et il lui aura fallu un an pour construire un projet durable pour l’institution néo-louvaniste et un an de plus à celle-ci pour l’approuver. Aujourd’hui, ce plan fait partie des axes prioritaires de l’université. Au-delà de l’urgence d’agir et de la responsabilité de chacun face aux enjeux environnementaux, Marthe Nyssens insistait sur la nécessité de disposer d’une feuille de route qui traduit concrètement la vision mise en place.

Ce qu’elle a essayé de développer au sein de l’UCL, c’est une approche systémique qui se déploie sur trois niveaux. L’enseignement, tout d’abord, avec l’exigence d’un socle minimal de compétences dans le domaine du développement durable pour chaque étudiant de bachelor. Une mineure Enjeux de société a également été intégrée aux programmes de cours.

La recherche ensuite, qui n’a sans doute pas attendu cet engagement mais où l’accent est mis sur les projets inter et transdisciplinaire afin de faire progresser plus rapidement la connaissance et de ne pas se cantonner à la recherche disciplinaire.

Campus durable, enfin, pour lequel seront pris en compte les aspects énergie, consommation et mobilité. Pour la consommation énergétique, l’objectif est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2035 grâce à l’isolation, à une meilleure gestion du chauffage, à la chaleur verte…

Du côté des achats, c’est le consommer moins et consommer mieux qui est mis en avant. Le recours à des labels éco-responsable se généralise peu à peu pour l’ensemble des consommables.

Reste la mobilité pour laquelle l’adhésion n’est pas toujours facile à obtenir dans un secteur ou le coopération internationale est cruciale et où les déplacements sont nombreux. La plupart des facultés et centres de recherches se sont malgré tout ralliés aux objectifs de la charte de mobilité internationale proposée (limitation des voyages, choix des moyens de transports les moins polluants, compensation carbone, etc.).

Pour Marthe Nyssens, le défi reste de taille, dans une université au budget bloqué où il est indispensable que le développement durable soit une préoccupation permanente pour éviter que le sujet ne soit soulevé qu’en bout de course et ne doive se contenter des miettes… Ou comment passer du « yes but » au « what if » pour rêver une transition réussie.

Que conclure de ces interventions ?

C’est ensuite à Paul Timmermans que revenait la lourde tâche de retisser des liens entre les interventions de la mâtinée. Insistant sur les aspects émotionnels, le président de l’Instance Bassin de Charleroi, notait que nous étions passés plusieurs fois de la gravité à l’enthousiasme et rappelait l’urgence d’agir mise en avant par Marthe Nyssens. Et si la politique des petits pas de L’UWE trahissait une certaine frilosité du monde économique, il notait aussi le cercle vertueux initié au sein de l’entreprise Nonet.

Mais la formation professionnelle dans tout cela ? Avec des métiers verts ou « verdissants » qui ne représentent qu’une toute petite partie de l’emploi – quelques pour-cent tout au plus), difficile d’imaginer que la place accordée au développement durable dans la formation professionnelle soit beaucoup plus grande. Attention toutefois à ne pas tomber dans l’adéquationisme.

Paul Timmermans nous propose trois pistes pour y échapper. La première touche à la transformation de la posture du formateur. Mais la prise de conscience personnelle qu’il peut avoir de son rôle d’acteur, de promoteur d’une action respectueuse de l’environnement se heurte parfois à une certaine pudeur et à la crainte du regard institutionnel.

Sa seconde piste vise les organisations : par la didactique professionnelle, on devrait arriver à une véritable organisation apprenante et à une démocratisation de l’entreprise.

En axant sa troisième piste sur l’outil de formation professionnel lui-même, Paul Timmermans en appelle à une transformation de celui-ci qui partirait de l’observation des pratiques et s’appuierait sur l’intelligence collective pour faire évoluer les référentiels et parvenir à une meilleure prise en compte des défis du développement durable.

Notre conférence du 10 juin dernier n’était que le premier jalon d’un parcours qui verra le développement durable s’inscrire davantage dans le cœur de métier de FormaForm et contribuer à répondre à l’appel du Conseil européen pour une place plus grande de celui-ci dans l’éducation et la formation.

Prochaines étapes

Les estivales et une journée thématique dédiée entièrement à ce sujet le 18 août (https://www.estivales.be/journee-developpement-durable), avant d’autres formations que nous vous proposons de retrouver sur notre site web (https://www.formaform.be/nos-services/formations/).

Ressources

Découvrez également la galerie photos de la matinée en cliquant ici.

 

 

 

Rédigé le mercredi 22 Juin 2022


 
Partager

Découvrez aussi